La sourde violence des rêves : Extrait 2
Pages 41-42 : Zebron
— Vous commencez à être franc. J’apprécie, je dis, très calme. Vous croyez que ça me dérange que vous me trouviez malfaisant. Vous croyez que j’ai jamais réfléchi à ça. Quand j’étais petit, mon père me battait, parfois sans raison. Je me rattrapais sur ma petite sœur. Quand il y avait personne à la maison, je la forçais à avoir des rapports sexuels. C’était bien.
Ça allait mieux quand je l’entendais pleurer. Vous pouvez comprendre ça ? Ça fait longtemps que je suis cassé. Venez pas me parler du mal. Une fois par an, à Noël, mon père – c’était un tsotsi, un voyou – il faisait un effort. On s’asseyait à table comme une vraie famille, on buvait, on mangeait et on avait l’air heureux même si c’était pas vrai. Il buvait comme un trou, jusqu’à perdre connaissance. Pendant ces deux jours où il était inconscient, ma mère, ma sœur et moi, on l’attachait. Pour le rouer de coups. Ce salopard ne marquait pas facilement. Il fallait y aller. Au matin, quand il se réveillait couvert de bleus, on lui racontait qu’il était tombé ou qu’il était sorti avec sa bande. C’était Noël, c’était la fête partout, cet imbécile nous a toujours crus. Il s’est jamais douté. Ces quelques journées, voilà ce dont je me souviens de ma jeunesse. Alors venez pas me parler du mal, il a toujours été là. Je l’ai jamais invité.