Nous sommes Charlie

Si tu parles, tu meurs
Si tu te tais, tu meurs
Alors parle et meurs !

TAHAR DJAOUT

Nous sommes Charlie. Oui nous sommes Charlie. Ne vous en déplaise !
Nous savons que cela vous déplait car vous ne supportez pas la liberté, toutes les libertés.

Vous n'aimez pas la liberté d'expression que vous croyez étouffer en assassinant lâchement des dessinateurs de presse qui ont élevé l'irrévérence au firmament du journalisme, en pratiquant l'humour et la dérision.

Paradis blues : Extrait 1


Je regardais tout ça autour de moi, maman et papa, grand-père et grand-mère, mes tantes et mes oncles, mes grandes cousines et leurs maris, beau-père et belle-mère, belles-sœurs et beaux-frères, je les regardais, et je me disais, c’est ça la vie ? Se fiancer. Se marier. Avoir des enfants. Les baigner, les nourrir, les torcher. Baptême. Première communion. Faire grandir ses enfants. Les marier. S’occuper des enfants de ses enfants. Les baigner, les nourrir, les torcher… 

Est-ce que c’est ça la vie ?

La sourde violence des rêves : Extrait 4

Page 91, David


Il vient me chercher tôt, juste avant que Ntombi ne parte au boulot. Il se trouve un truc à manger pendant que je m’habille. On prépare un déjeuner léger, deux avocats et des sandwichs au fromage. Et bien sûr notre kit de survie, des joints déjà roulés, du mpepho. La route est chouette jusqu’à la réserve. Il est taciturne mais ça ne me gêne pas, le matin moi aussi je me tais. On arrive là-bas après dix heures, on gare la voiture à quelque distance de l’entrée. C’est une journée chaude, je transpire déjà. J’ai un short à l’arrière du pick-up. Je l’enfile rapidement pendant que Tshepo enlève ses chaussures.

La sourde violence des rêves : Extrait 3

Page 64 : Mmabatho


J’allais à Jo’burg en train pendant les vacances scolaires de juin et décembre pour retrouver mon père, toujours impatient de me revoir. Mes parents sont divorcés. Je chéris particulièrement ce moment où il me reconnaissait au milieu de la foule des gens encombrés de bagages. La façon dont il courait vers moi, me prenait dans ses bras et m’embrassait joyeusement, à n’en plus finir, devant tous ces inconnus. Ça gênait toujours les gens plus âgés. C’était bien.

La sourde violence des rêves : Extrait 2

Pages 41-42 : Zebron


Vous commencez à être franc. J’apprécie, je dis, très calme. Vous croyez que ça me dérange que vous me trouviez malfaisant. Vous croyez que j’ai jamais réfléchi à ça. Quand j’étais petit, mon père me battait, parfois sans raison. Je me rattrapais sur ma petite sœur. Quand il y avait personne à la maison, je la forçais à avoir des rapports sexuels. C’était bien.

La sourde violence des rêves : Extrait 1

Page 33 : Tshepo


Je nous imagine nous baladant à Sea Point, je repense aux propos de Mmabatho sur cette histoire de couleur. Il y a des lieux au Cap où tout le monde se moque que tu sois noir et que ta mère t’ait envoyé dans une école privée pour parler correctement. Où tout le monde se moque que tu sois blanc et que ton père insulte ses collègues au boulot et les traite de kaffirs, de nègres, à la maison. 

Lettre ouverte à Monsieur Claude Guéant

La politique ne justifie pas tout. La campagne électorale ne légitime pas tout. Les dérives inquiétantes qui se manifestent en France ne valident pas tout. L'insulte est un argument de pacotille. Le pire des arguments car il s'adresse non pas à la bêtise humaine mais à la faillite de l'humain.

Vous avez avec une arrogance qui est la marque des ignorants ou des cyniques, tenus des propos inacceptables pour des citoyens dont l'histoire prouve qu'ils ont lutté, générations après générations, pour que la France ait le visage républicain de la liberté, de l'égalité et de la fraternité.

Je vous écris d'Haïti où la négritude se mit debout et où l'armée napoléonienne a été vaincue par des esclaves que La France s'est empressée d'abandonner, d'isoler, de stigmatiser parce qu'ils avaient eu l'insolence de croire en une possible liberté.


© Ici et ailleurs, 2019